LE LICENCIEMENT DISCIPLINAIRE D'UN SALARIE EN RAISON DE FAITS COMMIS DANS SA VIE PRIVEE


Un fait commis par un salarié pendant sa vie privée échappe en principe à l'emprise du pouvoir disciplinaire de l'employeur : arrêt de principe Cass. soc. 13/11/1996, non trouvé.


Toutefois, la jurisprudence considère que l'employeur peut licencier le salarié pour motif réel et sérieux si :
- les faits commis par le salarié perturbent le fonctionnement de l'entreprise (jurisprudence du "trouble objectif caractérisé"),
  • ex. : une altercation violented'un salarié avec un autre salarié en dehors du lieu de travail et pour un motif étranger au travail, suivi d'une arrestation et d'une condamnation pénale crée un trouble caractérisé à l'entreprise en raison du risque de survenue d'autres altercations et de la dégradation de son image de marque.
    Cass. soc., 09/07/2002, n°00-45068.
  • ex. : la réception d'une revue  échangiste
    sur son lieu de travail peut provoquer un trouble objectif dans le fonctionnement de l'entreprise par l'atteinte à son image de marque ainsi que de celle de son Directeur dont le salarié était un proche collaborateur. Ce trouble ne peut toutefois pas justifier une sanction disciplinaire si l'acte ne constitue pas un manquement aux obligations découlant du contrat de travail.
    Cass. mixte, 18/05/2007, n°05-40803.
- ou ils privent le salarié de sa capacité de travail :
  • ex. : perte du permis de conduire,
  • ex. : incarcération.

La jurisprudence admet le licenciement disciplinaire (pour faute grave ou lourde) en cas :
- de violation d'obligations découlant du contrat de travail :
  • ex. : manquement à l'obligation de loyauté,
  • ex. : abus dans l'exercice de la liberté d'expression,
  • ex. : manquement à l'obligation de probité
- ou d'actes rattachables à l 'activité professionnelle.
  • ex. : conduite sous l'emprise alcoolique d'un chauffeur.
  • ex. : la perte du permis de conduite
    pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique par un salarié affecté en exécution de son contrat de travail à la conduite d'un véhicule automobile, même commis en dehors de son temps de travail, se rattache à sa vie professionnelle et constitue un motif réel et sérieux de licenciement (attention : licenciement non disciplinaire en l'espèce).
    Cass. soc., 19/03/2008, n°06-45212
    .

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Exemples de faits commis dans la vie privée JUSTIFIANT un licenciement (ou une sanction) disciplinaire :

. La minoration, par la rédactrice au service contentieux d'une CAF, de ses propres revenus pour justifier de l'allocation de ressources indues peut justifier un licenciement pour faute lourde car les faits qui lui sont reprochés étaient de ceux qu'elle était chargée de poursuivre dans l'exercice de ses fonctions et que, de plus, son contrat de travail mettait à sa charge une obligation particulière de loyauté et de probité.
Cass. soc., 25/02/2003, n°00-42031.

. La conduite sous l'emprise alcoolique d'un chauffeur poids lourds ayant entraîné le retrait immédiat puis l'annulation judiciaire de son permis de conduire justifie un licenciement pour faute grave car l'acte est rattaché à son activité professionnelle.
Cass. soc., 02/12/2003, n°01-43227.

. L'admission d'une mineure en difficulté dans son logement personnel, en dehors de ses heures de travail, par un animateur socio-éducatif légitime une sanction disciplinaire même si ces faits relevaient de sa vie personnelle, car en agissant en infraction avec le règlement intérieur, il a manqué à une obligation professionnelle découlant de son contrat de travail, sachant qu'il peut être mis des restrictions à la liberté du salarié justifiées par la nature du travail à accomplir et proportionnées au but recherché.
Cass. soc., 13 janvier 2009, n°07-43282.

. Le vol de matériaux par un ouvrier d'une entreprise de maçonnerie et leur livraison à une société tierce en utilisant le camion de la société victime que l'employeur avait laissé à sa disposition pour le week-end constitue un fait rattaché à sa vie professionnelle et justifie le licenciement pour motif disciplinaire.
Cass. soc., 18/05/2011, n°10-11907.

. La détention dans son logement de fonction de 900 photos pédopornographiques imprimées sur le matériel de la société par un coordinateur jeunesse, travaillant au contact avec des mineurs et ayant été placé en garde à vue pour ce fait, constitue une faute grave justifiant un licenciement disciplinaire.
Cass. soc., 08/11/2011, n°10-23593.

. L'organisation par un chef d'agence d'une rencontre professionnelle avec une subordonnée dans une chambre d'hôtel, en dehors du temps de travail justifie un licenciement disciplinaire, les faits étant constitutifs de harcèlement sexuel et par conséquent d'une faute grave.
Cass. soc., 11/01/2012, n°10-12930.

. La consommation de stupéfiants pendant une escale, par un personnel navigant classé parmi les personnels critiques peut justifier un licenciement disciplinaire car, en raison du temps de permanence des produits dans le corps humain et la durée de l'escale, il a commis un acte de vie privée susceptible de créer un risque pour les voyageurs et constitutif à cet égard d'une faute professionnelle.
Cass. soc., 27/03/2012, n°10-19915.

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Exemples de faits commis dans la vie privée NE JUSTIFIANT PAS un licenciement (ou une sanction) disciplinaire :

. L'agression verbale d'un surveillant d'immeuble pendant son congé maladie envers un propriétaire constitue un "agissement du salarié dans sa vie personnelle" et n'est pas constitutif d'une cause de licenciement pour faute lourde.
Cass. soc., 14/05/1997, n°94-45473.

. La condamnation d'un clerc de notaire, publiée dans la presse locale, pour aide à séjour irrégulier d'un étranger, puis annulée en appel ne peut justifier un licenciement pour faute grave au motif que la diffusion régionale importante était rédigé en des termes de nature à nuire à la bonne réputation de l'office notarial, car le fait imputé au salarié "relève de sa vie personnelle".
Cass. soc., 16/12/1997, n°95-41326.

. Des détournements de fonds commis par la Trésorière d'une association hébergée dans les locaux d'une société dont elle était agent administratif. Le licenciement disciplinaire n'est pas justifié car les juges n'ont  établi aucun manquement aux obligations découlant de son contrat de travail les juges de Cassation ne retenant pas l'argument du rattachement à l'activité professionnelle en raison du lien étroit existant entre la société et l'association.
Cass. soc., 23/06/2009, n°07-45256.

. Le retard d'un membre de comité d'entreprise à une réunion de ce comité ne peut donner lieu à sanction disciplinaire, car le temps passé à cette réunion est imputable non pas au temps de travail, mais à celui de l'exercice du mandat représentatif et le retard ne constitue pas un manquement aux obligations professionnelles envers l'employeur.
Cass. soc., 30/06/2010, n°09-66792.

. La perte du permis de conduire par un chauffeur suite à une infraction commis en dehors de son temps de travail ne justifie pas un licenciement disciplinaire car les juges n'ont constaté aucun manquement à une obligation découlant de son contrat de travail.
Cass. soc., 03/05/2011, n°09-67464.
CE, 15/12/2011, n°

. Un courriel dénigrant son employeur, envoyé par un cadre depuis son ordinateur et sa messagerie personnels sur celle d'un collègue. Le licenciement disciplinaire n'est pas justifié car il n'y a pas de manquement à une obligation découlant du contrat de travail.
Cass. soc., 26/0/2012, n°11-10189.


B.F.