La Netiquette est une sorte de code de bonne conduite accepté par les utilisateurs de l'internet et décrit dans les chartes d'utilisation de nombreux sites, notamment les forums. Au titre des comportements prohibés, on peut citer l'amusante règle déconseillant d'écrire en majuscule dans les forums car cela est comparé au fait de s'exprimer oralement en criant dans la vie réelle. Beaucoup moins amusante est la pratique du spamming consistant à inonder les autres utilisateurs de messages non désirés, généralement publicitaires ou le phishing qui sont des tentatives d'escroquerie utilisant le moyen de la confusion avec un établissement, généralement bancaire (pensez au pseudo messages de banques demandant de vérifier notre code de carte bancaire...).
La jurisprudence a dû se pencher sur les sanctions infligées aux internautes ne respectant pas cette Netiquette. Un fournisseur d’accès internet
peut-il discrétionnairement « couper la ligne » d’une internaute pratiquant le « spamming » ? Les rares décisions se fondent sur le droit des obligations et de la responsabilité civile délictuelle.
Deux exemples.
Cour d’appel de Paris, formation
de référé, audience publique du 11 octobre 2002, « Liberty surf et
Free ».
Un internaute s’était inscrit en
ligne auprès de deux fournisseurs d’accès internet (Liberty surf et Free).
Ultérieurement, il avait envoyé en masse des courriers non sollicités (pratique
dite du spamming) à d’autres internautes, dont certains avait
relaté les faits sur les cellules de veille « abuse » des deux fournisseurs (exemple). Ces derniers lui avaient alors supprimé
les accès internet à titre de sanction après l’avoir averti que sa pratique
était contraire au « code de bonne conduite » qu’il s’était engagé à
respecter.
L’internaute a alors assigné les
deux fournisseurs devant le Tribunal de grande instance de Paris pour faire
annuler les deux sanctions prises à son égard. Il avait été débouté et avait
fait appel de la décision.
En appel, il faisait valoir d’une
part, que les conditions générales de vente (CGV) ne lui étaient pas opposables et, d’autre
part, que les sociétés ne rapportaient pas la preuve des violations qui lui
étaient reprochées. Enfin, il se plaçait sur le terrain de la liberté de pensée
et d’expression et faisait valoir qu’il n’avait usé d’aucune pratique abusive,
l’abus seul étant de nature à limiter cette liberté.
Cette question de l'opposabilité des CGV est importante car elles sont rarement lues par l'acheteur d'un service sur internet.
Concernant l’opposabilité des
conditions générales de vente dont l’appelant estimait qu’il ne les avait pas
signées, les juges du fond remarquent que la procédure d’inscription en ligne à
un accès internet suppose nécessairement que l’internaute les ait acceptées en
cliquant sur la case « valider ». De plus, ils constatent qu’elles
figuraient au dos des lettres de confirmation de l’inscription de sorte que
l’appelant ne pouvait prétendre les méconnaître.
Les juges établissent ensuite que
ces conditions générales indiquent que la communauté des utilisateurs
d’internet a développé un « code des bonnes conduites », auquel
l’utilisateur déclare se soumettre et figurant en annexe. Ce code prohibe
l’envoi en nombre de messages non sollicités et indique que la société se
réserve le droit de résilier ou suspendre l’abonnement en cas de non respect ou
violation de ses stipulations.
Les juges concluent par
conséquent que le motif que l’appelant n’ait pas apposé sa signature sur ce
contrat est inopérant.
Concernant la preuve des
violations reprochées, les deux sociétés produisent de nombreuses plaintes
reçues sur leur cellule « abuse »
ainsi que de nombreux messages au caractère « violent, pervers et
ordurier » reçus par d’autres internautes. Les juges établissent donc la
réalité des violations et rejettent
l’argument de l’appelant tiré de la possibilité technique qu’a le destinataire
d’un message de demander à être retiré de la liste de diffusion. En effet, les
juges considèrent que le destinataire a été contraint préalablement de prendre
connaissance du message contre son gré et que la pratique est coûteuse pour les
internautes dont les boîtes à lettre électroniques sont encombrées.
Concernant la liberté
d’expression, la Cour statuant en référé, elle n’avait pas compétence pour y
répondre.
».
2nde espèce :
Le fournisseur d’accès avait
résilié le contrat d’abonnement d’un internaute en raison de sa pratique
alléguée de « spamming » dans
les forums de discussion. Ces courriers avaient une connotation commerciale,
l’appelant prétendant par ce biais développer son activité professionnelle. Il
avait assigné le fournisseur d’accès pour voir annuler la sanction. Débouté, il
avait fait appel en faisant valoir, là aussi, l’inopposabilité des conditions générales
qui ne lui avaient pas été expressément précisées. De plus, ne contestant pas
avoir pratiqué le spamming, il
justifiait son attitude par le fait qu’il recevait lui-même ces courriers non
sollicités et qu’il faisait systématiquement figurer dans ces courriers électroniques un mot d’excuse pour la gêne occasionnée !
Concernant l’opposabilité des
conditions de vente, après avoir cité l'article 1135 du Code civil aux termes duquel "les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais
encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à
l'obligation d'après sa nature", les juges rappellent que les conditions générales de vente
annexées à un contrat ne sont incluses dans la négociation de ce contrat qu’à
la double condition que chaque partie ait été en mesure de savoir que cette
annexe fait partie du contrat et qu'elle puisse en prendre connaissance, suffisant le fait qu’elle lui soit simplement accessible. Ils remarquent
qu’une mention de déclaration de l’acceptation des conditions générales de
vente figurait juste à côté de l’emplacement prévu pour la signature, de sorte
que l'appelant ne pouvait alléguer ne pas en avoir eu connaissance. Ils remarquent
également que l’appelant n’a pas pu apporter la preuve de son impossibilité à
se faire obtenir ce document auprès de la société. Ainsi, ils établissent
l’opposabilité du contrat à l'utilisateur.
Ce contrat impose textuellement
le respect du « code de bonne conduite Internet » et prévoit la
résiliation unilatérale du contrat en cas de violation. La décision décrit
expressément la Netiquette comme une « sorte de bonne conduite sur
internet, reconnue et admise dans la communauté des internautes » qui
prohibe la pratique du spamming car elle
perturbe gravement l’équilibre du réseau et provoque l’encombrement des
messageries avec un coût pour l’internaute qui doit procéder à la suppression
de ces messages non désirés. L’argument commercial développé par l’appelant
n’est pas examiné par les juges qui se contentent de remarquer que de nombreux
utilisateurs s’étant plaint de cette pratique inacceptable constituant une
inexécution fautive, la résiliation est justifiée.
B.F.