Un acte administratif créateur de droits pris par une Autorité administrative (Préfet, Inspecteur du travail, Maire...) peut être retiré par cette même Autorité lorsqu'elle considère qu'il est illégal. Cette faculté, d'origine jurisprudentielle, trouve sa source dans le compromis entre sécurité juridique et le principe d'intangibilité des actes administratifs d'une part et la possibilité donnée à l'Administration de faire respecter le principe de légalité.
Le
régime juridique du retrait des actes administratifs créateurs de droit et
entachés d’illégalité nécessite d’établir la distinction entre décision
explicite, décision implicite d’autorisation et décision
implicite de rejet.
- 1/ Pour les décisions EXPLICITES, la jurisprudence TERNON du Conseil d’Etat du 26 octobre 2001 s’applique : l’Administration ne peut retirer un acte illégal que pendant les 4 mois suivant la décision, sauf dispositions contraires.
Exemple : un office national interprofessionnel (SAV / ONIVINS) ne pouvait retirer en juillet 1999 sa décision de versement de subventions accordée à une société de vins et liqueurs au titre de l'aide à la distillation pour la campagne 1997/1998 matérialisée par deux versements effectués en novembre 1998 et janvier 1999 car le délai de 4 mois était écoulé (CE, 28 octobre 2009, n°302030).
Exemple : attention aux délais ! Un permis accordé par le Maire le 6 août 2002 peut être retiré par le Préfet le 6 décembre 2002, jour d'expiration du délai de 4 mois (CE, 30 juillet 2003, n°255368).
Les
dispositions de l’article R.2422-1 du Code du travail « sont au nombre des
dispositions règlementaires contraires » au délai de 4 mois pendant lequel
l’Administration peut retirer une décision illégale selon la décision du
Conseil d’Etat du 28 septembre 2005 (n°266023). Ainsi, le Ministre peut retirer
une décision explicite créatrice de droit entachée d’illégalité pendant le
délai de 4 mois suivant la saisine du recours hiérarchique, soit un délai rallongé de 2 mois.
En revanche, à défaut de saisine par la voie de recours
hiérarchique, l'Administration ne pourra retirer son acte que pendant le
délai de 4 mois après la décision de l'Inspecteur du travail (CE, 22 novembre 2006, n°282473).
Un autre corps de règles dérogatoires : en vertu d'une ordonnance de 1945, l'Administration peut retirer la carte de résidant pendant le délai d'1 an suivant sa délivrance pour rupture de la vie commune.
Par exemple, un Préfet pouvait reconduire à la frontière le 18 décembre 2000 un étranger dont une carte de résident lui avait été délivrée le 21 avril 2000 (CE, 3 décembre 2001, n°233073).
Attention toutefois, cette faculté de retrait est réservée à l'Administration et l'administré ne saurait s'en prévaloir.
Exemple : un agent de banque à qui a été notifiée, par la Banque de France, son admission à faire valoir ses droits à la retraite ne peut demander le retrait de cette notification 5 ans après (CE, 22 juin 2012, n°332172).
Attention également : l'Administration ne peut fonder son refus de retirer un acte administratif lorsque ce retrait est demandé par l'administré sur le caractère légal de l'acte. Dans ce cas, l'Administration peut retirer un acte, même légal, s'il ne préjudicie pas aux tiers et est favorable à l'administré (CE, 29 octobre 2003, n°241235).
- 2/ Pour les décisions IMPLICITES D’AUTORISATION, l’article 23 de la loi pour la simplification du 12 avril 2000 dispose qu’elles ne peuvent être retirées, pour illégalité, par l'autorité administrative que :
1° Pendant le délai
de recours contentieux, lorsque des mesures d'information des tiers ont été
mises en œuvre ;
2° Pendant le délai
de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision,
lorsqu'aucune mesure d'information des tiers n'a été mise en œuvre ;
3° Pendant la durée
de l'instance au cas où un recours contentieux a été formé.
- 3/ Pour les décisions IMPLICITES DE REJET, le Conseil d’Etat a précisé le régime juridique des retraits d’actes illégaux dans sa décision n°284605 KAEFFER WANNER du 26 janvier 2007 :
« Considérant qu'en jugeant que le ministre
chargé du travail pouvait légalement, dans le délai de recours contentieux,
rapporter sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé contre
la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement d'un salarié
protégé qui était créatrice de droit au profit de l'employeur, dès lors que
ces deux décisions étaient illégales, la cour administrative d'appel de
Bordeaux n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit ».
En
conséquence de quoi, le Ministre ne pouvait retirer sa décision implicite de rejet dans le délai du recours
contentieux de deux mois qu’à la seule condition que les deux décisions
– la décision initiale de l’inspecteur du travail ainsi que la décision
implicite de rejet – soient illégales.
D'un point de vue pratique, attaquer une décision annulant une décision implicite de rejet suppose de prouver que la décision initiale (celle de l'inspection du travail dans le cas d'espèce) n'était pas illégale. En effet, la décision implicite de rejet qui porte sur une demande d'annulation de l'acte initial doit être considérée comme confirmant la décision initiale. Donc la décision implicite de rejet prend la légalité de l'acte initial : si ce dernier était illégal, la décision implicite de rejet le sera aussi et inversement.
Le moyen par lequel un administré cherche à annuler une décision retirant une décision implicite de rejet est un moyen de légalité EXTERNE, mais - paradoxalement - il va s'appuyer sur des moyens de légalité INTERNE affectant la décision initiale qui ne peut plus être attaquée !
Exemple : un Inspecteur du Travail refuse le licenciement pour motif économique d'un salarié protégé. L'employeur forme un recours hiérarchique devant le Ministre compétent. Une décision implicite de rejet naît au bout de 4 mois suivant le recours. Mais le Ministre rend par la suite une décision annulant sa décision implicite de rejet. Etant donné qu'il est dans le délai de 4 mois suivant la décision implicite de rejet, il peut la retirer. Mais il faut que les deux décisions soient illégales (celle de l'Inspection du travail ET la décision implicite de rejet). Par fiction juridique, la décision implicite de rejet empruntera la légalité de la décision initiale de l'Inspecteur du Travail. Donc, pour annuler la décision annulant la décision implicite de rejet, il faudra prouver - au titre des moyens de légalité externe - que ce retrait était impossible car la décision initiale n'était pas illégale. Cette preuve devra être apportée par des moyens tant de légalité externe et qu'interne touchant la décision initiale : l'Inspecteur du Travail avait l'obligation, par exemple, d'établir que le fondement économique du licenciement n'était pas avéré, ou que l'obligation de reclassement n'était pas respectée. Autrement dit, on attaque une décision explicite de retrait par des moyens touchant la décision initiale qui a elle-même fait l'objet d'une décision implicite de rejet