Le 15 octobre 2011, le Conseil constitutionnel a rendu une décision intéressante relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.
Il est nécessaire de préciser que l'hospitalisation d'office n'est pas une procédure très courante ;
. elle suppose d'abord que lors de son procès pénal, la personne ait été jugée irresponsable pénalement sur le fondement de l'article 122-1 du code pénal en raison d'un "trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes" et dont elle était atteinte au moment où elle a commis l'acte ;
. elle suppose ensuite un classement sans suite ou une décision d'irresponsabilité pénale ou un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale ;
. elle suppose enfin que l'autorité judiciaire ait estimé que "l'état mental de cette personne nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave à l'ordre public".
Ces trois première hypothèses légales nécessitent clairement une décision d'un magistrat.
Là où les choses se compliquent, c'est que lorsqu'elles sont réunies, ces hypothèses permettent au juge (les "autorités judiciaires") de saisir le représentant de l’État dans le département (le Préfet de département en province et le Préfet de police à Paris) afin de lui faire prononcer une hospitalisation d'office au vu d'un certificat médical circonstancié (article L3213-1 du code de santé publique). La procédure sous-entend clairement que dès qu'il a saisi le Préfet, le magistrat n'est plus compétent : seul le Préfet peut décider du sort de la personne et l'unique protection - bien maigre - de ce dernier réside dans l'obligation faite au Préfet de motiver sa décision et qui peut être attaquée, comme tout acte unilatéral, devant le tribunal administratif, c'est-à-dire à la suite d'une procédure lourde, complexe et onéreuse. Toutefois, il ne peut être fait abstraction que les hypothèses légales ont eu pour conséquence d'alourdir significativement la "défense" de la personne par le cumul d'une déclaration judiciaire d'irresponsabilité et d'une ordonnance - par ailleurs motivée - de saisine du Préfet.
Le problème qui se posait aux sages du Conseil constitutionnel relevait de la fin de cette hospitalisation forcée. La personne ne pouvait voir son hospitalisation forcée s'achever que si les deux experts psychiatres concluaient que la personne n'est plus dangereuse, "ni pour elle-même, ni pour autrui". L'intention du législateur est clairement d'aider le juge aux liberté et à la détention à prendre sa décision grâce à l'avis éclairé d'experts, ce qui est une procédure très courante en procédure pénale. En fait c'est la rédaction même du texte, plutôt que son esprit qui posait problème car elle sous-entendait que le juge était lié par l'avis rendu par les experts, ce qui est contraire au principe d'indépendance du juge. En effet, il ne pouvait prononcer la mise en liberté que si les deux experts avaient préalablement conclu à l'absence de dangerosité de la personne.
Le Conseil constitutionnel, dans une décision rapide, considère que "si le législateur peut assortir de garanties particulières les conditions dans lesquelles la mesure d'hospitalisation d'office dont fait l'objet une personne ayant commis des infractions pénales en état de trouble mental peut être levée, c'est à condition que soit garantie l'indépendance du juge qui prendre la décision de maintenir ou lever les mesures privatives de liberté, principe consacré par l'article 66 de la Constitution française qui dispose que "Nul ne peut être arbitrairement détenu. ― L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi".
Selon le Conseil constitutionnel, le texte soumis à sa sagacité ne garantit pas cette indépendance, il est par conséquent déclaré nul.
Le raisonnement est limpide et il faut préciser que le milieu hospitalier s'était préoccupé depuis quelques mois du projet de loi - et de la loi - concernant l'hospitalisation forcée.
Toutefois, si la QPC a été rendue après le vote de la loi modificatrice de juillet 2011, elle était relative à la version antérieure du texte litigieux, et non pas à la version modifiée. Or, cette version modifié est au moins aussi critiquable que l'ancienne, puisqu'elle court-circuite le JLD en donnant au seul représentant de l’État le pouvoir de mettre fin à l'hospitalisation forcée dans des conditions plus restrictives qu'avant puisqu'en plus des deux experts psychiatres et de l'avis du directeur de l'agence d'hospitalisation, il est nécessaire qu'une commission idoine rende un avis favorable.
Gageons que le Conseil constitutionnel sera rapidement saisi d'une nouvelle QPC sauf pour le législateur à modifier la modification... Les temps sont durs pour le législateur !
B.F.