Le Conseil constitutionnel a été récemment saisi d'une question de constitutionnalité sur la dernière loi restreignant le droit de grève dans les entreprises de transport aérien de passagers :
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Plus intéressants sont les arguments défendus par l'opposition et la réponse du Conseil.
Les parlementaires rappellent que le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion, par le passé, de fixer les limites du droit de grève dont il avait par ailleurs reconnu le caractère constitutionnel. Les restrictions sont de nature législative ; c'est le préambule de la Constitution de 1946 lui-même qui garantit que le droit de grève est librement exercé "dans le cadre des lois qui le réglementent" : il appartient au seul législateur de fixer ces limites.
Dans le cas de la saisine, l'argument juridique portait, d'une part, sur le nécessaire équilibre entre la restriction d'un droit à valeur constitutionnelle et la protection d'un autre droit, de même valeur. Le Conseil constitutionnel avait en effet posé comme condition qu'une limitation d'un droit aussi important ne pouvait être justifiée que par la protection d'un autre droit aussi important. Les parlementaires reprochaient à la loi de 2012 l'absence d'autre valeur à protéger ; notamment ils pointaient du doigt le fait que le service public n'était pas menacé par l'exercice du droit de grève, puisque le champ d'application du dispositif de la loi ne visait que des entreprises privées dans un secteur libéralisé.
La saisine portait ensuite sur le caractère disproportionné du dispositif, autre condition que le Conseil constitutionnel avait fait émerger par sa jurisprudence sur les restrictions au droit de grève. En l'occurrence, il était reproché au législateur de ne pas avoir limité les restrictions à certaines catégories de personnel, ceux dont les missions étaient essentielles pour des question de sécurité. Pour les parlementaires, les dispositions de la loi visent également les "tâches périphériques".
En filigrane était reprochée la tentative du législateur de dissuader les personnels des compagnies aériennes de faire grève en durcissant les conditions de déclaration de participation et - et c'est inédit - de reprise de l'activité avant la fin du mouvement de grève (déclarer sa reprise 24 h au minimum avant).
Le Conseil constitutionnel répond à ces deux question :
- concernant la conciliation avec un autre principe de valeur constitutionnel, il considère que l'intention du législateur était d'assurer le bon ordre et la sécurité des personnes dans les aéroports par l'information préalable des passagers. Le principe protégé est donc l'ordre public, objectif de valeur constitutionnel.
- concernant la disproportion alléguée, le Conseil constitutionnel, reprenant les termes de la loi, remarque que la loi ne s'applique qu'au personnel « dont l'absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols », ce qui constitue bien une limitation du champ d'application à certain personnel.
Enfin, il établi que les dispositions attaquées, d'une part, ne visent pas à dissuader les salariés d'exercer leur droit de grève, mais de sanctionner les abus, constitués dès que les manquements aux obligation d'information de l'employeur se répèteraient, d'autre part, ne portent atteinte ni à la licéité de la grève, ni aux obligations de l'employeur de rémunérer le salarié qui reprend son service.
B.F.