LA RESPONSABILITE DE L’EMPLOYEUR POUR FAUTE INEXCUSABLE

LA PETITE HISTOIRE :
Pendant qu’un salarié assurait la maintenance d’une remontée mécanique, son collègue avait malencontreusement remis l’installation en fonctionnement. Résultat : un pied écrasé. Aïe !
Le salarié imprudent et la société ont été jugés en correctionnelle. Le premier a été condamné pour blessures involontaires par imprudence mais la société – à qui était reproché l’absence de formation à la sécurité de la victime – a été relaxée. La victime l’a assignée devant un tribunal de sécurité sociale pour que soit reconnue sa « faute inexcusable » et obtenir ainsi une indemnisation supplémentaire. La décision préalable du juge pénal mettait-elle la société à l’abri d’une sanction financière ? Ce second litige est remonté jusqu’à la Cour de Cassation (2ème civ., 16 février 2012, n°11-12.143) qui a retenu la responsabilité civile de la société au motif « que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, de sorte qu'il avait commis une faute inexcusable » au sens du Code de la sécurité sociale.

CE QUE L’ON RETIENDRA :
Classiquement, l’autorité du juge pénal est totale : tant qu’il n’a pas statué, toute instance civile est suspendue et sa décision s’impose aux autres juges qui ne peuvent pas le contredire. L'article 4 du Code de procédure pénale dispose qu'"il est sursis au jugement de [l']action [en réparation du dommage causé par l'infraction] tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement".
Que devient l'action civile lorsque le juge pénal relaxe le prévenu ? Dans cette affaire, le juge pénal avait non seulement affirmé que l’accident était exclusivement dû à l’imprudence du salarié, mais il avait même établi que la « faute éventuelle indirecte de la société ne pouvait être génératrice de l’accident ». Pourtant, les juges civils et la Cour de cassation ont ensuite jugé que « l’accident est imputable à la faute inexcusable de l’employeur ».
La difficulté d'appréhension de ce rapport entre condamnation pénale et responsabilité civile, comme dans le cas de l'affaire DSK c/ Dialo au Barreau de New York vient de la nature de la faute pénale. Si la faute pénale est de nature intentionnelle ce qui signifie que le juge doit statuer sur la volonté du prévenu de commettre l'acte (ex. : meurtre, viol, empoisonnement, abus de biens sociaux...), l'absence de faute pénale interdit toute action au civil. En revanche, si la faute est de nature non intentionnelle, c'est-à-dire que le juge ne devra pas établir la volonté du prévenu de commettre l'acte (ex. : blessures involontaires), la relaxe ne pourra interdire toute action au civile uniquement sur le fondement de la responsabilité civile (tout fait de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par lequel il est arrivé à le réparer) ou de la faute inexcusable du Code de l'action sociale.
Dans cette affaire, l'employeur n'était pas responsable pénalement des blessures occasionnées à son salarié. En revanche, les juges ont estimé qu'il avait commis une erreur inexcusable susceptible d'engager sa responsabilité civile et l'allocation de dommages et intérêts.
AUSSI :
- l’employeur ne doit pas relâcher son attention dans la formation spécifique des salariés à la sécurité en relation avec un poste,
- il doit s’assurer que les consignes de sécurité – adaptées et efficace – soient écrites et connues,
- il doit mettre les dispositifs de sécurité à disposition des salariés
- et en plus, il doit leur en imposer l’utilisation
- la faute d’un salarié n’exonère nullement celle de l’employeur, sauf si la faute de ce salarié est elle-même inexcusable.